(Ecrit à partir de quelques extraits de l’article « L’histoire secrète de la chute de Mobutu », de François Soudan)
Au soir, alors que les troupes des Forces Armées Zaïroises vaincues à Kenge refluent sur Kinshasa, se joue le dernier acte du règne de Mobutu Sese Seko. Au camp Tshatshi, autour du maréchal épuisé, se tient une première réunion. Il y a là les généraux Likulia Bolongo, Donatien Mahele, Nzimbi, Ilunga (ministre de l’Intérieur) et Vungbo (Garde civile). Mahele, Likulia et Ilunga pressent Mobutu de quitter Kinshasa et de se rendre à Gbadolite. « Nous ne pouvons plus garantir votre sécurité ».
Persuadé que le vieux dictateur allait se démettre, le Premier ministre avait fait prévenir la radiotélévision qu’une importante communication du gouvernement serait transmise dans la nuit. Or Mobutu résiste : « Quand on est un militaire, dit-il, ou bien on se rend, ou bien on vous tue, mais on ne fuit pas. » On se sépare sans qu’une décision soit prise.
Un peu plus tard, Mobutu convoque une deuxième réunion. Cette fois, ne sont présents que les généraux Ngbandis : Bolozi (gendarmerie), Vungbo, Nzimbi, Wezago, l’adjoint de ce dernier à la tête de la DSP et, au téléphone, le Général Baramoto. « Il y a des traîtres, il faut les éliminer, constituons une liste », s’emporte l’un des participants. Mobutu calme le jeu : « J’irai à Gbado demain… prenez vos dispositions. » Il est minuit. Les généraux sortent du camp Tshatshi et se rendent au domicile de Baramoto Kpama où une troisième réunion, en présence de la plupart des officiers Ngbandis, se tient jusqu’à 5h du matin. On y peaufine la liste des « traîtres » sur laquelle figure, en tête, le Général Mahele. Certains s’inquiètent des intentions de Mobutu – « il nous abandonne! » -, la plupart préparent leur propre fuite vers Brazzaville, de l’autre côté du fleuve.
Vendredi 16 mai, vers 10 heures. Le maréchal et sa famille sont à l’aéroport de Ndjili où un Boeing 727 de la présidence, piloté par le commandant Mukandila, les attend. Mobutu est impatient et furieux. « Où est l’argent? » tonne-t-il. La veille une gigantesque opération de ramassage des devises dans Kinshasa a été lancée. Entre la Banque centrale, la primature et le siège local de la Belgolaise, où ont été entreposés les fonds réunis dans le cadre de la participation forcée des sociétés à l’effort de guerre. On estime qu’une quarantaine de millions de dollars sont ainsi raflés en quelques heures. Le problème est que chacun a pris sa part au passage et que la somme remise en liquide au président est très loin de correspondre à ce qu’il attendait. D’où son courroux.
Mais il faut partir. Au moment de grimper l’échelle de coupée, Bobi Ladawa, l’épouse de Mobutu, se tourne vers le Général Mahele qui, avec d’autres, est présent pour ce dernier départ : « Donat, nous savons ce que vous avez fait; c’est comme cela que vous remerciez Papa? ». Mahele se tait. Mobutu qui a entendu, se contente de hocher la tête. Il est 10h30. Sur ordre du colonel Motoko, chef sécurité rapprochée de Mobutu, le commandant Mukandila fait prendre à l’avion une trajectoire de décollage différente de l’ordinaire. On craint un attentat.
Par Benjamin Babunga
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